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L'effet des APV quant à la hausse de la participation

L'importance de la participation

La participation signifie que les personnes susceptibles d'être concernées par certains processus de politique générale interviennent dans ces processus. Il y existe plusieurs niveaux de participation, allant du simple fait d'être informé d'un tel processus à la possibilité d'avoir un droit de regard et une influence sur l'issue de ce processus. Ces niveaux de participation peuvent être représentés par une échelle dans laquelle chaque barreau indique un niveau de participation supérieur à celui du barreau se trouvant en dessous.

Figure 9. L'«échelle de participation». Adaptée d'Arnstein, S.R. 1969. A ladder of citizen participation. Journal of the American Institute of Planners 35: 216–224.

La participation est une dimension importante de la bonne gouvernance forestière car elle permet aux parties prenantes d'avoir une influence sur les processus décisionnels qui les concernent. La participation est aussi avantageuse pour la prise de décision car elle augmente la probabilité d'aboutir à des décisions réalisables, équitables et crédibles qui reposent sur un large consensus entre les parties prenantes.

La participation pourrait aussi atténuer les conflits et créer de la confiance entre les collectifs d'acteurs. Des catégories d'acteurs qui avaient de mauvaises relations pourraient voir leur rapports s'améliorer grâce à la participation. C'est donc une cause possible de progrès pour l'équité de la prise de décision.

Cependant, avant la négociation d'un Accord de partenariat volontaire (APV), la participation des parties prenantes aux processus décisionnels était inhabituelle dans les pays exportateurs de bois. En particulier, les collectivités possédant des ressources forestières qui les font vivre étaient exclues des décisions concernant ces forêts.

L'effet des APV quant à la hausse de la participation

Le degré de participation des parties prenantes et l'influence qu'elles ont sur les processus APV sont sans précédent. Les processus APV favorisent la participation, au processus APV lui-même et aussi en ce qu'elle découle des engagements pris par les parties et inscris dans le texte et les annexes de l'APV.

Les APV sont les premiers accords commerciaux dont l'élaboration résulte de processus multipartites inclusifs et qui ont eu des répercussions sur les processus décisionnels dans la filière bois. Dans de nombreux pays exportateurs de bois ayant engagé des négociations en vue d'un APV, ces processus participatifs et inclusifs sont inédits.

L'UE préconise une participation très large des parties prenantes à la négociation et à la mise en œuvre des APV afin que ceux-ci soient crédibles. De plus, les APV diffèrent des autres projets requérant la participation de parties prenantes par leur durée, leur application à une grosse partie des politiques nationales et des échanges commerciaux internationaux, et l'engagement politique de haut niveau qui les caractérise.

L'espace de mobilisation multipartite dégagé par un processus APV peut acquérir plus de stabilité avec le temps. Si les parties prenantes apportent des informations et une valeur ajoutée au processus, les pouvoirs publics les considèrent d'autant plus facilement comme des partenaires. Initialement, chaque grande catégorie de parties prenantes a des défis à relever:

  • un processus APV intéresse des ministères différents ayant des priorités différentes. La coordination interministérielle est donc délicate.
  • les parties prenantes du secteur privé sont souvent mal organisées et considèrent fréquemment les réunions longues liées à un processus APV comme du temps improductif pour leur activité.
  • les groupements de la société civile pourraient avoir fort à faire pour communiquer leurs intérêts variés et sont souvent perçus par les gouvernements et le secteur privé comme une source de problèmes.

Participation pendant l'étape du processus APV préalable à la négociation

Avant qu'un pays exportateur de bois ne s'engage dans des négociations avec l'UE pour mettre en place un APV, il doit d'abord s'assurer que les parties prenantes soutiennent unanimement le processus APV. Pour établir ce consensus, il est essentiel d'informer les parties prenantes. Celles-ci doivent comprendre les avantages qu'un APV pourrait leur apporter, en quoi il servirait leur intérêt, et aussi les obligations qui en découleraient pour eux.

Les organismes publics, les organisations de la société civile ou les catégories de parties prenantes organisées, comme les fédérations de l'industrie du bois, pourraient être à la tête des efforts de mobilisation et d'information des parties prenantes. Les institutions de l'UE et d'autres organismes internationaux soutiennent souvent ce genre d'activités. Ce soutien peut consister en des ateliers, des réunions publiques et des activités de sensibilisation par la voie médiatique. Des exercices d'inventaire des parties prenantes peuvent aussi renforcer la participation (voir l'encadré «Inventaire des parties prenantes»).

Inventaire des parties prenantes

L'inventaire des parties prenantes est un outil de recensement des catégories susceptibles d'être touchées ou d'avoir une influence sur une politique ou un processus. Les catégories de la population touchées pourraient être les agents des ministères et de la fonction publique, les acteurs privés de l'ensemble de la chaîne d’approvisionnement, qu'ils soient petits ou grands, les organisations de la société civile, les peuples autochtones et la population à l'échelon local.

Les exercices d'inventaire peuvent comporter des études documentaires, des visites de terrain et des discussions avec les catégories de la population concernées par la filière bois, que ce soit de manière directe ou indirecte. Les parties prenantes se réunissent aussi parfois pour discuter des résultats des exercices et les valider. Pendant un processus APV, les pouvoirs publics et les groupements de parties prenantes effectuent souvent un inventaire pour tenter de recenser les parties prenantes et catégories d'acteurs dont la participation serait souhaitable, et déterminer le soutien dont elles pourraient avoir besoin à cette fin.

L'inventaire des parties prenantes peut favoriser des processus APV participatifs et inclusifs. Toutefois, il peut nuire à la participation, si par exemple: 

  • il n'est pas exhaustif, des parties prenantes importantes ayant été oubliées
  • les autorités dirigent l'exercice de manière «descendante», au lieu que les groupements de parties prenantes effectuent leur inventaire de manière autonome, en bénéficiant de la collaboration des autorités
  • les autorités considèrent l'inventaire comme étant définitif, et non comme un processus itératif.

Participation pendant l'étape du processus APV consacrée à la négociation

La participation des parties prenantes aux négociations en vue d'un APV se traduit par l'élaboration d'un accord par l'UE et le pays partenaire qui bénéficie d'un large soutien. Avec un soutien élargi, les difficultés de la mise en œuvre seront plus réduites.

Pendant l'étape de négociation des processus APV qui ont eu lieu jusqu'à présent, les pouvoirs publics ont élaboré un processus de consultation participatif pour faire intervenir les parties prenantes potentiellement touchées par un APV, celles qui seront chargées de sa mise en œuvre, et celles qui ont intérêt à sa mise en place. Même s'il incombe aux pouvoirs publics du pays partenaire d'organiser le processus de consultation, chaque groupement de parties prenantes est chargé d'organiser la consultation des acteurs en son sein.

Les inventaires des parties prenantes peuvent contribuer à élargir la participation afin de faire en sorte que tous les acteurs concernés participent (voir l'encadré «Inventaire des parties prenantes»). L'expérience montre que plus le dialogue est riche, plus il génère de solutions et plus les parties prenantes parviennent rapidement à un consensus sur les thématiques abordées. Il s'ensuit que la participation des parties prenantes renforce la viabilité et la crédibilité d'un APV, elle garantit l'adhésion nationale et est à l'origine de changements positifs dans la gouvernance.

Les négociations en vue d'un APV fournissent plusieurs occasions d'encourager la participation. Les débats relatifs à la définition de la légalité, par exemple, réunissent des intérêts différents autour de la table de négociation. Au fur et à mesure du développement du texte et des annexes de l'APV, il est possible d'y intégrer des engagements à continuer la participation pendant l'étape de mise en œuvre.

La mise en place de processus et de structures multipartites dans lesquels les parties prenantes peuvent s'exprimer peut néanmoins s'avérer difficile pour les pouvoirs publics.

Les pays ont adopté des approches différentes. Au Vietnam, les pouvoirs publics ont entrepris une grande campagne de consultation de la population pour recueillir des informations sur ses préoccupations. Au Libéria, les citoyens n'ont pas été consultés, mais des sièges leur ont été réservés dans les structures nationales de négociation. Au Honduras, les plateformes multipartites au niveau régional ont alimenté les débats nationaux.

L'expérience montre qu'il est important pour les groupements de parties prenantes de choisir eux-mêmes leurs représentants. Ceux-ci doivent rendre des comptes à leurs mandants. Les représentants de parties prenantes nécessitent des moyens de relayer les informations de la table de négociation à leurs mandants, tout comme ils doivent injecter dans les négociations les opinions de ces derniers.

Si la participation des parties prenantes doit avoir lieu, il faut tenir compte d'éléments comme le temps, les compétences, les moyens financiers et d'autres ressources dont elles ont besoin pour comprendre le processus APV et y prendre une part active. Les plateformes de parties prenantes pourraient avoir besoin d'un soutien et d'investissements dans les domaines suivants:

  • l'éducation et la sensibilisation de parties prenantes très diverses, y compris en milieu rural ou dans des terroirs enclavés
  • la communication d'informations techniques et juridiques à des personnes parlant un éventail de langues, avec des bagages de connaissances et des niveaux d'éducation variés

Certaines parties prenantes sont bien organisées et informées, tandis que d'autres peuvent l'être beaucoup moins (collectivités, petites et moyennes entreprises). Une étude menée par Tropenbos International en 2014 en République démocratique du Congo a révélé par exemple que 90% des parties prenantes ne savaient rien de la négociation en vue d'un APV qui est en cours. Afin de remédier à cette situation, Tropenbos International a organisé des formations sur des problématiques comme le sciage artisanal et l'APV destinés aux agents municipaux, aux collectivités, aux exploitants forestiers et à la société civile.

Participation pendant l'étape du processus APV consacrée à la mise en œuvre

Il est aussi important pour les parties prenantes de participer à l'étape de mise en œuvre d'un APV qu'à l'étape de négociation. La participation pendant l'étape de mise en œuvre implique qu'elles ont un droit de regard sur la mise en œuvre de l'accord, plutôt que de devoir juste le respecter. En participant à l'étape de mise en œuvre, les parties prenantes restent informées des progrès réalisés et peuvent participer à certaines activités, ce qui augmente la probabilité de réussite.

Toutefois, il arrive souvent que la participation diminue au moment du passage de la négociation à la mise en œuvre de l'APV. Cette chute de la mobilisation s'explique en partie par le fait que la constitution du comité conjoint de mise en œuvre de l'APV n'a lieu qu'après la ratification de l'accord par les deux parties, et ne s'achève parfois que bien après la fin des négociations.

De même, les réunions bilatérales qui mobilisent les parties prenantes et structurent les activités pendant l'étape de négociation d'un APV, s'espacent pendant l'étape de mise en œuvre. Le problème du retard dans la constitution des comités conjoints de mise en œuvre peut être en partie surmonté par la création d'un comité provisoire par l'UE et le pays partenaire, dès que les négociations sont terminées. Ces comités provisoires permettent de poursuivre les réunions officielles qui mobilisent les parties prenantes.

Le texte et les annexes des APV varient en fonction de la manière dont ils prévoient d'assurer la stabilité de la participation dans le temps. Tous font néanmoins référence à la participation des parties prenantes. Le niveau de détail donné n'a pas d'influence sur l'ampleur de la participation, les parties prenantes des deux parties s'attendent à ce qu'elle se poursuive pendant l'étape de mise en œuvre.

Chaque APV met en exergue la participation continue des parties prenantes dans un article du texte principal, et donne plus de détails dans les annexes. Celles-ci présentent les rôles des acteurs dans l'encadrement et le suivi de la mise en œuvre. Il peut s'agir de la participation des parties prenantes aux structures nationales de mise en œuvre, aux comités conjoints de mise en œuvre, ou de leur rôle d'information des auditeurs dans le cadre des audits indépendants ou de leur fonction d'observateurs indépendants.

Chaque APV énonce que l'UE organisera des consultations régulières de parties prenantes au sujet de la mise en œuvre de l'APV. Ces consultations régulières satisfont aux obligations de l'UE au titre de la Convention d'Arhus de 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public aux décisions et l'accès à la justice en matière d'environnement.

Exemples concrets de participation

Au Ghana, la société civile n'était pas initialement représentée au comité national de pilotage de l'APV. En butte aux protestations de groupements de la société civile, les pouvoirs publics leur ont ouvert le comité. Au fil du processus APV, les associations de la société civile ont apporté une contribution importante à la rédaction de la légalité, aux essais de terrain du système informatisé de traçabilité du bois du Ghana et au processus de réforme juridique découlant de l'APV.

En Indonésie, les consultations de parties prenantes sont désormais une pratique normale en cas de modification du système de vérification de la légalité du bois. Par exemple, la dernière révision des réglementations nationales suite à l'évaluation conjointe de l'APV a comporté quatre consultations régionales et une consultation nationale de 300 parties prenantes. Suite à celles-ci, un comité juridique multipartite de rédaction a finalisé la révision. Les organisations de la société civile, les pouvoirs publics, le secteur privé et les auditeurs travaillent ensemble pour améliorer le système. En 2014, des groupements de la société civile ont chargé sept représentants de suivre le processus APV pendant cinq ans et déterminé les modalités d'information du reste du réseau. De plus, l'une de ces sept personnes représente la société civile au comité conjoint de mise en œuvre de l'APV.

Au Libéria, les organisations non gouvernementales ont exigé que des représentants de la population locale aient une place à la table de négociation de l'APV. Cette demande a abouti à l'attribution de sept sièges à des représentants de la population et de quatre autres à des représentants d'organisations non gouvernementales. Ces mandataires ont élaboré des systèmes pour faire circuler l'information dans les deux sens entre les collectivités locales et les négociateurs.

 

Point de vue. Obed Owusu-Addai sur la participation au processus APV du Ghana

«Nous sommes à la table de négociation pour influer sur la gestion des forêts au Ghana, sur un pied d'égalité avec le gouvernement et les entreprises. FLEGT a donc été une opportunité formidable pour nous au Ghana, surtout du point de vue de la société civile... Nous croyons que la participation considérable de la société civile assurera la fiabilité du système, mais au-delà de la société civile, c'est la population locale qui participe à la gestion de la forêt au Ghana. Alors nous nous attendons à voir vraiment beaucoup de changements, d'ailleurs nous en voyons déjà, et les perspectives sont bonnes, l'avenir est très prometteur.»

Obed Owusu-Addai, Civic Response,  animateur de Forest Watch Ghana / Source: Entretien mené par la Facilité FLEGT de l'UE en 2014

Plus d'information

Liens externes

Bollen, A. y Ozinga, S. 2013. Improving Forest Governance. A Comparison of FLEGT VPAs and Their Impact. FERN. 50 p. [Télécharger le PDF]

Duffield, L. y Ozinga, S. 2014. Making Forestry Fairer. A Practical Guide for Civil Society Organisations Taking Part in VPA Negotiations. FERN. 68 p. [Télécharger le PDF]

FERN et al. 2008. Consultation Requirements under FLEGT. LoggingOff Briefing note #1 [Télécharger le PDF]

Tropenbos International. 2014. FLEGT-VPA: 90% of stakeholders are not aware the process in Province Orientale, DR Congo [Poursuivre la lecture en ligne